Retour à

Construction en terre crue

Terre crue
La construction en terre crue est l’une des plus anciennes méthodes de construction et est présente dans le monde entier. Plus de 2 milliards de personnes vivent aujourd’hui encore dans des habitats en terre crue. Prédominante avant l’essor de l’industrie, la terre crue a ensuite été remplacée par d’autres matériaux de construction (béton, ciment, pierre, métal) devenus largement majoritaires. Aujourd’hui, la construction en terre crue bénéficie d’un regain d’intérêt du fait de considérations environnementales, sanitaires et esthétiques.

Cette publication se concentre principalement sur les constructions en terre crue en Belgique et dans les pays limitrophes en Europe. L’objectif est ici d’apporter une vision générale sur la construction en terre crue : les différentes techniques, les possibilités de construction, ses avantages et limites par rapport aux matériaux de construction conventionnels.

Qu’est-ce que la construction terre crue ?

La construction en terre crue consiste à extraire la terre, à une certaine profondeur du sol et à mettre en forme cette dernière afin d’obtenir un matériau de construction. Les constructions en terre crue existent dans le monde entier et selon les caractéristiques du sol, différentes techniques de mise en œuvre sont utilisées. Notamment, les propriétés de la terre, telles que sa composition chimique, sa microstructure et sa granulométrie diffèrent considérablement d’un environnement à l’autre, lui conférant ainsi des propriétés spécifiques. Traditionnellement, la terre crue est extraite localement. Aujourd’hui, les terres sont généralement reconditionnées. Ainsi la zone d’extraction peut-être sur site ou non selon les volumes et la qualité des terres nécessaires. En effet, davantage de garanties sont exigées aujourd’hui quant à la qualité des terres. De plus, selon les souhaits architecturaux, les techniques de construction diffèrent et ne correspondent pas toujours à la composition de la terre disponible localement.

La terre crue est un mélange de terre minérale, d’eau et d’air en proportion variable. La terre minérale, utilisée dans la construction, est localisée en profondeur du sol sous la couche de terre végétale de surface. Il s’agit de la terre d’horizon B visible sur le schéma ci-dessous.

Différentes couches de terre

Différentes couches de terre Source : Prototype sprl & AMACO & A. Misse & « Bâtir en terre » Belin 2009 L.Fontaine R.Anger © Bruxelles environnement

Coupe schématique des différentes couches de sol. La couche superficielle est nommée Horizon A. Elle a une porosité de 80% et contient le humus et la faune épigée. Ensuite se situe Horizon B, constituée d’argile et abritant la faune anécique. Horizon C abrite la faune endogée. Horizon D a une porosité de 60%. On y trouve une nappe et la roche mère.

Les grains qui composent la terre sont de taille plus ou moins variée, et confèrent des propriétés différentes et donc des applications variées : structures massives, terre pour remplissage, enduits pour finitions.

En Belgique, les composants du sol sont fins, la taille des grains est relativement faible. Ces sols sont communément appelés : sables, silts et argiles. Les argiles sont les grains les plus fins, de forme plate, en feuillets. Les argiles jouent ainsi le rôle de liant dans la terre tout comme le ciment est le liant du béton. Les autres grains : silts, sables, graviers et cailloux structurent la matière et apportent d’autant plus de rigidité qu‘ils sont gros. Enfin, l’eau en proportion diverses, via les liaisons hydrogène et via son interaction avec l’air (forces capillaires) vient renforcer la cohésion.

Type de composants du sol

Taille des grains

Cailloux​

De 2 cm​ à 20 cm

Graviers​*

De 2 mm à 2 cm​

Sables​*

De 63 μm​ à 2 mm

Silts (limons)​*

De 2 μm​ à 63 mm

Argiles​*

< 2 μm​

* présent en Belgique

La terre crue est donc un mélange triphasique complexe, il est nécessaire de comprendre et de contrôler les interactions entre les 3 phases : solide (grains, liants), liquide (eau), gaz (air) afin d’obtenir les propriétés recherchées.

La nature de la terre détermine l’état hydrique adéquat pour sa mise en forme. En effet, selon l’action requise pour la mise en forme (versement, compactage, tassage), différents états hydriques sont requis. L’état hydrique correspond au pourcentage d’eau contenu dans la matière. La matrice terre ci-dessous résume les états hydriques et les différentes actions possibles. Chaque technique de construction en terre crue utilise un ou plusieurs états hydriques associés à une action caractéristique.

Matrice Terre – 5 états hydriques – 3 actions

Matrice Terre – 5 états hydriques – 3 actions © Bruxelles environnement

Schéma des 15 types de Terres crues obtenues selon leur état hydrique et l’action à laquelle elles sont soumises. Les 5 états hydriques (avec teneur en eau croissante) sont : sec ; humide ; plastique ; visqueux ; liquide. Les 3 actions sont : verser ; tasser : compacter.

Quels sont les différents types de Terres et les techniques de construction ?

A chaque type de terre est associé une technique de construction. Au total, une dizaine de techniques principales existent. Elles se distinguent notamment en deux catégories : les techniques traditionnelles et les techniques modernisées.

Techniques traditionnelles

Le pisé est l’une des techniques les plus répandues dans le monde, néanmoins, en Belgique, le torchis est majoritaire, suivi de la bauge et de l’adobe. La prédominance de ces techniques s’explique par les caractéristiques locales du sol : de type argileux, limoneux et sableux (sols fins). En effet chaque technique dépend des caractéristiques du sol et de l’environnement. La technique du pisé nécessite un sol de type « caillouteux » non caractéristique des sols en Belgique.

Carte des techniques de construction en terre crue présentes en Belgique

Carte des techniques de construction en terre crue présentes en Belgique Source : Pereira-Goncalves, 2017 Sources : In Mango-Itulamya, L. A. (2019). Valorisation des gisements argileux pour la fabrication des blocs de terre comprimée. Thèse de Doctorat. Université de Liège, Liège © Bruxelles Environnement

Carte de la Belgique. La technique du torchis est développée partout hormis dans le Hainaut, à la frontière avec Lille (France), dans l’Ouest de la province de Namur et au Sud de Liège. La bauge est présente autour de Mons, Charleroi et dans le Brabant wallon. La technique de l’adobe est présente autour de Charleroi et à l’extrême Ouest de la Province de Liège.

Pisé

Le pisé, est l’ancêtre du béton et est aujourd’hui reconnu comme un béton naturel très dur. Il est constitué de cailloux, de graviers, de sables, de silts et d’argiles en proportion variable. L’argile assure la cohésion et les grains sa rigidité.

Le pisé est une technique de construction réalisée couche par couche à l’aide d’un coffrage. La terre est mise en forme à l’état humide compacté (présenté sur la Matrice terre). Après extraction, la terre est directement versée dans le coffrage par fines couches d’une épaisseur de 10 ou 15 cm. L’ensemble est ensuite compacté afin d’assurer la cohésion de la matière et ses propriétés mécaniques.

Idéalement, l’extraction de la terre s’effectue au printemps ou à l’automne : l’humidité de la terre est ainsi optimale pour la mise en œuvre du pisé. Après mise en œuvre, le temps de séchage est en revanche relativement long (parfois jusqu’à 200 jours).

Haus Rauch Schlins, Autriche, 2005 – 2008​

Haus Rauch Schlins, Autriche, 2005 – 2008© Roger Boltshauser / Martin Rauch​

Photographie de l’extérieur de la maison individuelle 4 façades Haus Rauch. La terre crue des murs extérieurs est visible.

Exemple des possibilités esthétiques du pisé : Mur en pisé d’une maison à Beauraing en Belgique  

Exemple des possibilités esthétiques du pisé : Mur en pisé d’une maison à Beauraing en Belgique © S. Bronchart

Exemple des possibilités esthétiques du pisé : Hall d’accueil du centre “Source O Rama” à Chaudfontaine

Exemple des possibilités esthétiques du pisé : Hall d’accueil du centre “Source O Rama” à Chaudfontaine© Druwid

Photographie de murs intérieurs en couches de pisé de différents coloris naturels.

De nos jours, le pisé reste très utilisé, avec quelques évolutions par rapport aux méthodes traditionnelles : types de coffrages, méthodes de compactage (avec marteau pneumatique), la préfabrication, l’intégration de nouvelles techniques. Le pisé a une texture attractive car il offre de nombreuses possibilités sur le plan esthétique, des recherches sont donc effectuées afin d’élargir la gamme du matériau. Ainsi par la reformulation de terres locales avec des graviers, le pisé est rendu disponible en Belgique.

Torchis

Le torchis est présent depuis le Moyen-âge dans toute la Belgique. Il s’agit d’une terre très fine, avec peu de cailloux, de gravier et de sable. Cette terre colle bien mais fissure lors du séchage. Elle doit donc être associée à de la paille ou du sable afin d’éviter ces phénomènes de fissuration. Le torchis s’utilise en tant que remplissage sur une structure porteuse en bois.

Pour en apprendre plus sur les structures porteuses en bois, consultez la Solution | Eléments de structure en bois.

Le torchis se travaille à l’état plastique tassé selon la matrice terre présentée précédemment. Le torchis peut aujourd’hui se trouver en tant que produit prêt à l’emploi.

Torchis avec enduit à la chaux, Havelange

Torchis avec enduit à la chaux, Havelange© S. Bronchart

Photographie de la façade à colombages d’une maison individuelle ancienne

Exemple de torchis rénové, Grand Halleux

Exemple de torchis rénové, Grand Halleux © S. Bronchart
Exemple de torchis rénové, Grand Halleux © S. Bronchart

Photographie en intérieur d’une maison. Rénovation d’une cloison. Ossature en bois. Rénovation de torchis sur roseaux.

Bauge

La bauge a été découverte pour la première fois en 1970 dans quelques régions de Belgique, et remonte au XVIIIème siècle. La bauge est utilisée pour la construction de murs massifs. La structure porteuse est la terre crue. La technique de la bauge consiste à empiler des paquets de terre à l’état plastique sous forme de boule (état plastique tassé) :

  1. mélange de terre crue, de fibres végétales (afin d’éviter la fissuration) et d’eau jusqu’à obtention d’un état plastique ;
  2. formation de boules de terre à la main (action « tasser ») ;
  3. empilement des boules de terre afin de former un mur monolithique très épais (40 à 50 cm en général mais pouvant aller jusqu’à environ 200cm d’épaisseur). Les faces sont battues ​pour éviter les ​fissures au séchage, ​puis taillées afin ​d’obtenir une surface ​plane ;
  4. procédé couche par couche avec temps de séchage requis entre chaque couche pour éviter l’affaissement de la structure.

Grange en bauge, Braine-le-Comte, fin XVIIIème siècle

Grange en bauge, Braine-le-Comte, fin XVIIIème siècle© Anaïs Pereira

Photographie en vue extérieure de la façade et du pignon d’une grange dont les murs sont en bauge. Il est possible de distinguer les différents paquets de terre caractéristiques de cette technique. Le soubassement est en pierre

La bauge a pour inconvénient l’apparition de fissures lors du séchage en cas de proportion terre/fibre non optimale.

De nos jours, la bauge se met en œuvre de manière traditionnelle essentiellement, néanmoins quelques techniques se développent à partir de blocs de terre préfabriqués en atelier et une technique dite « terre projetée » (technique semblable au béton projeté).

Adobe

L’adobe est une brique de terre non cuite. Elle contient peu de cailloux et de graviers, et une proportion de sable suffisante pour éviter la fissuration lors de la mise en œuvre (ou comme pour la bauge, des ajouts de fibres végétales). La technique de l’adobe consiste à fabriquer des briques prismatiques mises en œuvre à l’état plastique tassé :

  • moulage de la terre à l’état plastique (moule en bois ou en métal) ;
  • tassage à la main afin de chasser l’air ;
  • séchage des briques à l’air libre, au soleil (la vitesse de séchage dépend des conditions environnementales : température, humidité de l’air etc.) ;
  • stockage des briques puis maçonnage avec un mortier de terre collant.

Adobes fabriquées lors d’un évènement à Tour et Taxi en 2002, Bruxelles

Adobes fabriquées lors d’un évènement à Tour et Taxi en 2002, Bruxelles© S. Bronchart

Photographie en vue extérieure de la fabrication de briques d’adobe. Les briques moulées sèchent au sol. Un moule est visible

    Il s’agit de la technique de construction en terre la plus rapide et la plus économique : sa vitesse d’exécution peut être comparée à celle des matériaux industriels et très peu d’outillage est nécessaire pour fabriquer les briques : seul le moule est indispensable.

    Remise, Wasseiges, Acosse. Adobes

    Remise, Wasseiges, Acosse. Adobes© Gérard Bavay
    Remise, Wasseiges, Acosse. Adobes© Gérard Bavay

    Photographie en vue extérieure du mur extérieur en adobe à l’arrière d’une remise. Les briques moulées (adobes) sont visibles.

    L’adobe peut être utilisée pour la construction de murs porteurs en complément avec d’autres techniques telles que le pisé.

    De nos jours, la technique de l’adobe s’est adaptée à la production a plus grande échelle. On trouve notamment sur le marché aujourd’hui des matériaux prêts à l’emploi : les Briques de Terre Comprimée (BTC), le Bloc de Terre Moulé (BTM) et le Bloc de Terre Extrudé (BTE). Ces techniques sont développées ci-dessous.

    Techniques modernisées

    Bien que les techniques traditionnelles restent la base de la construction en terre crue, les techniques modernisées résultent de techniques traditionnelles légèrement modifiées afin de s’adapter aux besoins actuels (mise en œuvre moins chère, plus simple, esthétiques recherchées, conditions climatiques, etc.). L’apparition d’éléments préfabriqués en terre crue permet d’optimiser les temps de séchage par exemple, mais également d’apporter une diversité des techniques de construction qui ne pourrait pas directement être applicable à partir du sol local. En Belgique, notamment, les caractéristiques locales du sol ne permettaient pas d’appliquer la technique du pisé traditionnellement. Ces constructions sont désormais possibles grâce à l’apparition du marché des mélanges prêt à l’emploi et parfois de préfabriqué.

    La construction en terre crue tendait à être présente en zone rurale, néanmoins, elle est maintenant parfaitement utilisable dans des projets urbains via de nombreuses applications et plus couramment l’enduit.

    Mortiers et enduits

    Les enduits en terre sont l’application la plus simple du matériau​. La mise en œuvre est semblable aux enduits de plâtre ou de ciment, car ils nécessitent les mêmes outils. ​Le corps d’enduit est souvent en terre sableuse​ avec addition de fibres végétales afin d’éviter les fissures.

    Les mortiers sont composés d’argile, de limon, de sable, et éventuellement d’un liant (par ex. chaux)​et d’additifs (ex. fibres).

    Les mortiers et les enduits nécessitent une mise en œuvre à l’état visqueux.

    Photographies de mise en place d’enduit terre et détails de sols, enduits murs et châssis, Belgique

    Enduit sur colombage

    Enduit sur colombage© S. Bronchart

    Photographie en intérieur de parois enduite en terre crue.

    Détail d’un châssis

    Détail d’un châssis© S. Bronchart

    Photographie en intérieur d’un détail de châssis. Les parois sont enduites en terre crue. La tablette de la fenêtre est en bois.

    Intérieur

    Intérieur© S. Bronchart

    Photographie d’un intérieur d’habitation. Les parois sont enduites en terre crue.

    Détail sol

    Détail sol© S. Bronchart

    Photographie d’un intérieur d’habitation. Le sol est en terre crue.

    Projetteur d'enduit terre

    Projetteur pour enduit terre© S. Bronchart

    Photographie en intérieur de la mise en place d’enduit terre crue sur une parois en briques à l’aide d’un projetteur.

    Détail d’un châssis

    Détail d’un châssis© S. Bronchart

    Photographie en intérieur d’un détail de châssis bois d’une fenêtre de toit. Les parois sont enduites en terre crue.

    BTC

    La BTC (Brique de Terre Comprimée) se développe vers les années 1950​. Il s’agit d’une évolution de la technique traditionnelle de l’adobe. La terre utilisée est plutôt « fine » mais peut toutefois contenir de petits graviers (<10 mm). Cette terre est portée à un état humide qui permet de que ces briques soient manipulables immédiatement après compression réalisés avec des presses manuelles ou mécanisées (état humide compacté, présenté sur la Matrice terre).

    Exemple de briques de terre comprimée prêtes à l’emploi

    Exemple de briques de terre comprimée prêtes à l’emploi © CRAterre / Julien Nourdin

    Photographie d’une palette sur laquelle sont disposées une cinquantaine des briques de terre comprimées.

    Module d’habitation en auto-construction, Cavaillon, France

    Module d’habitation en auto-construction, Cavaillon, France© CRAterre / Thierry Joffroy & Association Le Village

    Photographie d’une habitation construite en briques de terre comprimées.

    L’addition de ciment ou de chaux est courante dans la fabrication de BTC pour augmenter les caractéristiques mécaniques et surtout améliorer la résistance à l’eau.

    Blocs de terre Moulés BTM et Extrudés BTE

    Les BTM (Blocs de Terre Moulés) et BTE (Blocs de Terre Extrudés) sont une évolution de l’adobe. L’adobe traditionnelle comme décrite précédemment est une BTM. Celle-ci est souvent produite en collaboration avec des briquetier de terre cuite.

    Terre coulée – béton d’argile coulé

    La technique de la terre coulée est similaire à la technique du béton maigre coulé. La terre est mise en œuvre à l’état de boue liquide dont la granularité est de préférence sableuse ou graveleuse. Les outils utilisés sont les mêmes que ceux utilisés couramment pour le béton.

    Cette technique présente beaucoup d’avantages : facilité de mise en œuvre et de préparation du matériau, applications diverses, néanmoins des phénomènes de retraits sont importants au séchage. Pour pallier ce problème, la stabilisation de la terre peut être employée, les fissures peuvent être bouchées si elles ne posent pas de problèmes structurels.

    La terre coulée permet de fabriquer des chappes, des briques, des pavés et des murs, armés ou non.

    Mur en terre coulée – ossature bois et canisse de roseau, Beauraing

    Mur en terre coulée – ossature bois et canisse de roseau, Beauraing© S. Bronchart

    Photographie en intérieur. La terre crue est en cours de pose sur la canisse de ro

    Terre allégée

    Absente en Belgique, la terre allégée est issue des techniques du pisé et du torchis. La mise en œuvre peut être relativement longue, notamment à cause du temps de séchage, et doit donc s’effectuer lors d’une période sèche. La terre allégée offre divers cas d’application : des murs extérieurs (épaisseur comprise entre 20 cm et 30 cm), et intérieurs (épaisseur 12cm), jusqu’aux planchers. 

    Terre-copeaux bois

    De nos jours, le torchis peut se retrouver sous différents cas d’usage. On retrouve notamment des mélanges préfabriqués de terre humide et de copeaux de bois. Ce mélange est utilisé en complément d’un coffrage généralement en bois. Cette technique à partir de mélange torchis préfabriqué a pour principal intérêt de réduire les temps de séchage.

    Exemple de construction à partir de mélange préfabriqué terre/copeaux de bois.

    Exemple de construction à partir de mélange préfabriqué terre/copeaux de boisArchitecte : Isabelle Prignot - Entreprise Novastar © S. Bronchart

    Photographie en extérieur d’un bâtiment et de l’échafaudage installé pour la construction à partir d’un mélange préfabriqué terre/copeaux de bois.

    Exemple de construction à partir de mélange préfabriqué terre/copeaux de boisArchitecte : Isabelle Prignot - Entreprise Novastar © S. Bronchart

    Photographie détail d’un mélange préfabriqué terre/copeaux de bois.

    Terre-paille

    La technique dite de « terre paille » est une évolution du torchis.

    Exemple de construction en terre paille, Belgique

    Exemple de construction en terre paille, Belgique© S. Bronchart

    Photographie en extérieur d’un chantier de construction d’un bâtiment. L’ossature en bois est en place ainsi que des soubassements en pierre. Les murs terre-paille sont en train d’être montés à la main

    Exemple de construction en terre paille, Belgique

    Exemple de construction en terre paille, Belgique © S. Bronchart

    Photographie en extérieur d’un chantier de construction d’un bâtiment. L’ossature en bois est en place ainsi que des soubassements en pierre. Les murs terre-paille sont en train d’être montés à la main

    Plafonds terre paille, Voussettes, Belgique

    Plafonds terre paille, Voussettes, Belgique © S. Bronchart

    Photographie en intérieur d’un plafond terre paille, composé de voûtains disposés entre des poutres parallèles en boi

    Bottes de paille

    Parmi les techniques du torchis moderne, on retrouve également des constructions de type « botte de paille », peu répandue en Belgique. Il s’agit ici d’une technique sèche, avec possibilité de trouver de la paille en bottes sous forme préfabriqué. La paille offre une bonne capacité d’isolation tandis que la terre offre l’inertie et la régulation hygrométrique.

    Exemple de construction à partir de bottes de paille préfabriquées, Isère, France

    Exemple de construction à partir de bottes de paille préfabriquées, Isère, France © S. Bronchart

    Photographie en extérieur de la façade d’un bâtiment construit en terre. Une partie de la façade aborde un bardage bois.

    Exemple de construction à partir de bottes de paille préfabriquées, Isère, France © S. Bronchart

    Photographie en intérieur d’un mur construit en terre avec bottes de paille préfabriquées. Un enduit intérieur en terre crue a déjà été mis en place sur la paroi, excepté sur un carré, permettant d’apercevoir la couche inférieure : les bottes de paille préfabriquées. Au plafond on aperçoit des poutres en bois.

    Panneaux de terre crue

    Alternative aux panneaux de plâtre, les panneaux de terre crue sont composés d’un mélange de terre et de fibres naturelles. Ils peuvent être utilisés en tant que :

    • cloisons et contre-cloisons ;
    • supports pour enduits à l’argile ;
    • faux-plafonds.

    Quels sont les avantages de la construction en terre crue ?

    La construction en terre crue offre divers avantages par rapport aux matériaux de construction conventionnels :

    Technique de construction à faible impact environnemental

    Les matériaux dans le bâtiment suivent le cycle de vie suivant :

    1. Extraction des ressources
    2. Transport jusqu’au lieu de production (Industries)
    3. Production/Transformation
    4. Transport jusqu’au site de construction
    5. Mise en œuvre
    6. Utilisation
    7. Fin de vie (réemploi, recyclage, traitement des déchets)
    Pour en apprendre plus sur la notion de cycle de vie, consultez le dossier | Le cycle de vie de la matière : analyse, sources d'information et outils d'aide au choix.

    Les études d’ACV (Analyses de Cycle de Vie) montrent que l’étape de production/transformation a le plus fort impact environnemental pour un matériau conventionnel.

    Traditionnellement, la terre crue est extraite localement et ne subit donc pas ou peu de transport jusqu’au lieu de production. Cependant plusieurs éléments sont à prendre en compte pour une extraction limitant l’impact environnemental de la terre crue :

    • extraire des terres lors d’excavations liées à des chantiers (de préférence voisins) en cours ;
      L’excavation de sols uniquement pour les besoins en terre crue est à proscrire. Cela dégrade les sols, notamment l’horizon A (présenté dans la partie Qu’est-ce que la construction terre crue ?). Or l’horizon A est très important pour la vie et les services écosystémiques du sol (tels que la production alimentaire, la gestion des inondations ou la régulation du climat). Même si l’horizon A est retiré et stocké correctement, il subit une dégradation due au déplacement et au stockage. Le passage de machines cause de facto une compaction des alentours.
    • respecter les différents horizons lors de l’extraction ;
      S’il n’est pas possible d’éviter une extraction dans le seul but d’obtenir de la terre, il est impératif de préserver et de stocker correctement l’horizon A sans le mélanger aux autres couches, tel qu’expliqué dans le code de bonnes pratiques « le sol vivant et les chantiers de construction ». Les prescriptions de ce code de bonnes pratiques ainsi que celui portant sur « l’utilisation de terres de déblai et de granulats dans ou sur le sol » doivent être respectées lors des actions sur le sol.
    • s’assurer que les concentrations en polluants chimiques des terres importées sont inférieures aux normes d’assainissement du sol de la RBC ;
    • réduire l’empreinte carbone.

    La terre crue ne nécessite pas de cuisson (séchage naturel) et peu ou pas de  transformation chimique pour sa mise en œuvre. Les processus de production et de transformation sont donc également réduits. La mise en œuvre est réalisée à partir d’outillage simple. En fin de vie, la terre peut être réutilisée pour une nouvelle construction ou être renvoyée dans son environnement d’origine, il n’y a pas de production de déchets. Dans le cas d’une remise de la terre dans son environnement d’origine, certaines conditions sont à respecter et la terre devra dans tous les cas être testée pour vérifier qu’elle respecte bien les normes en termes de pollutions et les bonnes pratiques en terme de qualité. Toutes les prescriptions à respecter se trouvent dans les codes de bonnes pratiques relatifs à l’utilisation de terres de déblai et de granulats terres excavées, et au sol vivant et chantiers de construction. Si ces conditions sont respectées, la terre crue est un matériau recyclable à l’infini. Elle est donc très performante en matière de circularité.

    L’industrie de la construction conventionnelle, en revanche, a un fort impact environnemental. Le béton est responsable d’environ 8% des GES en 2018. Ces émissions proviennent de la décarbonation de la matière première (roche calcaire) et de l’énergie d’origine fossile utilisée pour chauffer et cuire les matières premières à haute température. En fin de vie, les déchets issus du béton peuvent être recyclés, néanmoins cela implique des procédés spécifiques, donc des consommations de ressources : énergie, eau etc.

    La terre crue est une matière abondante contrairement au béton qui crée des problématiques de raréfaction des sables. La terre crue lorsqu’elle est extraite localement, réduit massivement les logistiques de transports de matériaux. Néanmoins, si une construction nécessite des terres absentes des sols locaux (par exemple une construction type pisé en Belgique), le transport des matières est à prendre en compte en termes d’énergie et de coût.

    Il faut également tenir compte de l’ajout de liants tels que la chaux ou le ciment, même en faible quantité, telle que 10% en masse peut faire augmenter de 50% l’impact environnemental total.

    La terre crue n’a pas un impact environnemental nul mais, par rapport aux procédés conventionnels il est plus facile de réduire ses impacts, notamment en privilégiant les extractions de terre locale en lien avec les chantiers en cours, l’utilisation exclusive de matériaux naturels, la limitation des liants, l’optimisation de la durée de vie et le réemploi de la matière en fin de vie du bâtiment.

     

     

      Réversibilité et circularité

      L’un des grands atouts de la terre crue est sa réversibilité. En effet, la terre crue a la capacité de se plastifier par ajout d’eau. Sa plasticité ainsi retrouvée, il devient possible de la modeler et de la transformer à nouveau.

      La capacité de la terre crue à se plastifier à l’infini offre des possibilités de réemploi illimitées sans demande d'énergie supplémentaire. D’un point de vue écologique, la terre crue est donc un matériau très intéressant pour sa circularité. Les structures en matériaux conventionnels de type béton et briques sont difficiles à recycler, car il est difficile de séparer les matériaux entre eux (le béton armé et sa structure en acier, ou le ciment présent dans les briques) sans utilisation de procédés couteux en énergie ou de procédés chimiques.

      La terre crue a une capacité de réversibilité très intéressante à condition de ne pas la combiner à des liants de type chaux ou ciment comme décrit précédemment. En effet, ces liants sont intéressants d’un point de vue structure, mais même utilisés en faible proportion (10%), ils augmentent considérablement l’impact environnemental total de la construction et font perdre tout le bénéfice de la circularité de la terre crue. En effet, une terre crue à laquelle a été ajouté un liant tel que le ciment ou la chaux n’est plus réversible et est difficilement recyclable, la séparation des matériaux (liant/terre) étant complexe. Tel que décrit dans la partie Technique de construction à faible impact environnemental, elle sera ainsi compliquée à remettre dans l’environnement.

      Pour en apprendre plus sur ces enjeux, consultez le dossier | Construire réversible et circulaire.

      Simplicité

      La mise en œuvre en terre crue est aisée. Les techniques sont relativement simples à apprendre. Construire en terre crue permet la réutilisation des matériaux grâce à la standardisation des outils. De plus, les réparations sont simples à mettre en œuvre, notamment car la terre crue n’est pas transformée, et donc revient à son état d’origine aisément. Un entretien ou de petites réparations de la terre crue ne nécessitent qu’un nombre réduit d’outils simples. Ce n’est pas le cas par exemple de matériaux tels que le béton (issu de sables, granulats, ciments et ayant subi divers procédés de transformation chimique).

      Pose du coffrage

      Pose du coffrage © S. Bronchart

      Photographie d’un coffrage en bois prêt à être rempli d’un mélange à base de terre crue.

      Mélange paille et argile

      Mélange paille et argile © S. Bronchart

      Photographie prise en extérieur d’un groupe de 3 personnes occupées à mélanger à la main paille et argile dans un grand contenant (ici, une ancienne baignoire). Ce matériau est ainsi prêt à être utilisé.

      Qualité de l’air - Aspect sanitaire

      Sans ajout de liants, la terre crue est totalement naturelle, donc exempte de constituants chimiques toxiques. Elle apporte ainsi une excellente qualité d’air et résout les problèmes sanitaires de pollution intérieure, type émissions de COV. Une construction en terre crue ne nécessite ni revêtements, ni peinture chimique, car les pigments naturels colorent directement la terre. La terre crue est également réputée pour sa capacité d’absorption des odeurs.

      Confort intérieur

      La terre crue est reconnue pour le confort intérieur qu’elle apporte grâce à ses performances en terme de régulation hygrométrique, de masse volumique et d’inertie thermique. Ces caractéristiques sont développées au sein de la partie Quelles sont les performances techniques de la construction terre crue 

      Esthétique

      La construction en terre crue intéresse de nombreux architectes car elle offre de nombreuses possibilités d’un point de vue structure et architecture des bâtiments. Le pisé séduit notamment souvent pour sa texture particulière (voir Exemple des possibilités esthétiques du pisé). L’utilisation d’enduits à base d’argile offre de nombreuses possibilités esthétiques.

      Quels points d’attention lors d’une construction terre crue ?

      Contrôle de l’érosion

      Traditionnellement et de nos jours, en Belgique, la terre crue n’est jamais utilisée en façade. Dans la cas d’utilisation de la terre crue en extérieur, la phrase « Bonnes bottes et bon chapeau » est couramment entendue. En effet, l’eau est le principal nuisible à une construction en terre crue. Il est nécessaire de mettre en place des techniques afin d’évacuer l’eau au maximum pour éviter les mécanismes d’érosion qui s’ensuivent.

      « Bon chapeau » fait référence à l’utilisation d’une toiture avec de grands débords, afin d’évacuer l’eau de pluie et protéger la façade. « Bonnes bottes » fait référence à l’utilisation de fondations et de soubassements en pierre ou en béton afin d’éviter les remontées capillaires.

      Bonne bottes et bon chapeau / Prévention de l'érosion

      Bonne bottes et bon chapeau - Prévention de l'érosion Source : AMACO © Bruxelles Environnement

      Coupe schématique de murs. Le premier mur en terre crue est construit sur des fondations et soubassement en pierres. C’est ce qui est nommé “bonnes bottes”. Ce même mur est protégé par un faîte, nommé “bon chapeau”. Une seconde coupe montre un mur en terre crue érodé à sa base par un “sillon destructeur” et également abimé en son sommet par la stagnation d’eau sur les surfaces horizontales.

      Diverses techniques existent afin de prévenir l’érosion. Martin Raunch a notamment développé une technique préventive, encore très rarement utilisée en Belgique, dite d’« érosion contrôlée/calculée » ou de pisé exposé. Un système de construction « en obstacle » réduit le flux des écoulements d’eau. Tous les 13 centimètres environ, sont disposées des couches horizontales en pierre ou en terre cuite qui surplombent et ralentissent l'écoulement de l'eau le long de la paroi. Les murs extérieurs sont construits 2 ou 3 centimètres plus épais. Une fois les premiers centimètres érodés, les graviers et cailloux du pisé apparaissent en surface. Cela assure que la terre plus fine entre les graviers commence à gonfler et que la pluie ne puisse plus pénétrer dans le mur :

      Erosion calculée : Haus Rauch, Autriche - 2008

      Erosion calculée : Haus Rauch, Autriche - 2008 © Boltshauser architekten

      Photographie de détail de la façade de la maison Rauch. On y voit les couches horizontales en terre cuite placées tous les 13 centimètres

      Façade d’une maison en construction terre paille

      Façade d’une maison en construction terre paille © S. Bronchart

      Photographie en extérieur de la façade d’une maison individuelle 4 façades. Grandes ouvertures avec châssis bois. Toit en tuiles. Soubassements en pierres. Débords importants du toit.

      Composition des murs Haus Rauch, Autriche – 2008

      Composition des murs Haus Rauch, Autriche – 2008 © Bruxelles Environnement

      Coupe schématique à l’échelle 1:20 donnant la composition d’un mur extérieur de la maison Rauch. De l’intérieur vers l’extérieur : Enduit d'argile 3cm avec chauffage mural ; roseaux d'isolation ; Terre battue 45 cm. A la limite d’un étage à l’autre, au sein de la couche de terre battue, contre l’isolation, se situe l’anneau d'ancrage chaux avec armature. Au sein de la couche de terre battue, côté extérieur, sont placées les briques de terre anti-érosion.

      Capacité de la terre à absorber l’humidité 

      Un mur en terre crue est capable de supporter l'absorption d'eau jusqu'à un certain point. S'il peut évacuer l'eau absorbée en séchant, il est capable de résister pendant des siècles aux intempéries.  La cohésion de la structure est assurée par le triphasique et les ponts capillaires : un mur en terre crue n’est jamais complètement sec grâce à l’humidité de l’air.

      Stabilisation de la terre crue 

      Une pratique courante pour rendre la terre crue plus solide et résistante à l'eau consiste à la stabiliser avec 5 à 10 % de ciment ou encore avec de la chaux. Néanmoins cette technique impacte considérablement les avantages de la terre crue seule :

      • la production de ciment ou de chaux est très énergivore ;
      • la terre crue stabilisée n’est plus biodégradable et difficilement recyclable ;
      • les bénéfices quant à la qualité de l’air intérieur sont moindres ;
      • la capacité de régulation de l’humidité diminue.

      Compacité de la matière

      A l’échelle microscopique, l’empilement apollonien des grains est l’empilement optimum, c’est-à-dire les grains sont agencés de manière qu’il n’y ait peu ou pas de vides ou d’interstices. Ainsi, plus la matière est compacte, plus la résistance en compression est élevée. Ainsi pour le pisé, plus les couches sont fines et nombreuses, plus le matériau est compact et résistant.

      La rigidité est assurée par des grains de grande taille. Enfin la technique de construction définit la compacité de la matière.

      Hauteur du bâti

      la terre crue ne s’applique normalement qu’en compression. Les structures en arches et voûtes sont réalisables grâce à une technique de pisé préfabriqué. Un bel exemple de ce type de structure est L’Orangerie à Lyon en France, conçue par Clément Vergely architectes. A travers ce projet, ils démontrent également que la terre crue se marie bien avec d'autres matériaux naturels comme la pierre pour les bases et le bois pour les forces horizontales. 

      L’Orangerie à Lyon, France

      L’Orangerie à Lyon, FranceClément Vergély architectes 2021 © F. Fouillet

      Photographie en extérieur. Environnement urbain. Vue de la façade de l’Orangerie à Lyon. Le bâtiment possède 2 étages. Ses murs extérieurs sont découpés d’arches sur la totalité de la hauteur du bâtiment. Les soubassements en pierre sont visibles à la base de chaque arche.

      Modèle réduit des blocs préfabriqués et placement sur le socle

      Modèle réduit des blocs préfabriqués et placement sur le socle © M. Malcarce

      Photographie de détail des éléments préfabriqués en pisé utilisés pour les arches. Chaque élément est numéroté.

      Modèle réduit des blocs préfabriqués et placement sur le socle © M. Malcarce

      Photographie de la mise en place d’éléments préfabriqués des arches par grutage. Ici les bases en pierre des arches sont déjà en place et les éléments en pisé y sont déposés.

      La mise en œuvre de la terre crue fait appel à des méthodes relativement simples, néanmoins la complexité de la construction en terre crue vient du manque de connaissances et de normes relatives à la composition du mélange. En effet, les différentes compositions possibles jouent notamment sur les propriétés mécaniques. Pour pallier ce manque de connaissance sur le mélange, il est souvent nécessaire de tester le matériau en amont de son application directe.

      Les constructions en terre crue peuvent généralement supporter jusqu’à deux étages. Ce nombre est à titre indicatif, car la capacité structurelle est fortement liée au climat local et à la technique de construction. Dans les zones sèches et arides, certains édifices peuvent atteindre des hauteurs de 30 mètres avec 11 étages, c’est par exemple le cas de la ville de Shibam au Yemen. Pour des climats bien plus humides et froids tels que la Belgique, France, Allemagne, il est plus probable d’être limité en hauteur. Toutefois, il est possible de trouver des immeubles en terre crue de 6/7 étages en Allemagne, par exemple.  

      Shibam, Jemen

      Shibam, Yemen © Wikimedia

      Photographie de la ville de Shibam. La ville est composée exclusivement d’immeubles en terre crue.

      Weilburg, Allemagne - 1830

      Weilburg, Allemagne – 1830 © Wikimedia

      Photographie d’un immeuble en terre crue en milieu péri-urbain à Weilburg en Allemagne. On compte 6 étages.

      Quelles sont les performances techniques de la construction en terre crue ?

      Performance mécanique

      Le graphe ci-dessous illustre le positionnement de la terre crue sur la résistance à la compression par rapport à d’autres matériaux d’un point de vue de la résistance à la compression :

      Résistance à la compression

      Résistance à la compression Source : AMACO © Bruxelles Environnement

      Schéma classant la résistance à la compression en méga pascals des différentes techniques de construction terre crue ainsi que de certains matériaux “conventionnels”. La résistance à la compression du pisé est inférieure à 2 MPa. Les terres exceptionnelles ou reformulées sont entre 2 et 5 MPa. L’adobe est entre 1 et 2MPa. La terre-paille sans la structure est inférieure à 1,5MPa. Le béton cellulaire est compris entre 2 et 5 MPa (identique aux terres exceptionnelles/reformulées). Le béton plein est compris entre 20 et 100 MPa. Les plaques de plâtre sont entre 4 et 8 MPa. Enfin la résistance à la compression de la terre cuite va de 30 à plus de 100 MPa.

      La terre crue comprimée, que ce soient des adobes, le pisé ou des blocs de terre comprimés (BTC), atteint des valeurs de résistance en compression de 7 MPa maximum, pour des éléments non-stabilisés.

      La résistance mécanique de la terre crue est plus faible que celle du béton. Il s’agit désormais de comprendre à quel point cela est limitant dans la réalisation de structure : bâtiments à nombre d’étage limité, architecture spécifique, etc.

      Il n’est pas possible de prédire la résistance à la compression d’une terre sans la mesurer expérimentalement car le lien entre la microstructure de la terre et ses propriétés mécaniques macroscopiques est très complexe.

      Il est nécessaire de trouver le bon compromis entre performances mécaniques et les performances thermiques. En effet, plus la matière est dense, plus le matériau est résistant, au détriment des performances thermiques : les porosités et interstices remplis d’air jouent le rôle d’isolant dans un matériau, car l’air a une très faible conductivité.

      Performance thermique et hygroscopique

      La terre crue a des performances similaires au béton en termes de conductivité thermique, comme le montre le graphique ci-dessous :

      Conductivité thermique de la terre crue

      Conductivité thermique de la terre crue © Bruxelles Environnement

      Schéma classant la conductivité thermique en Watt par mètre Kelvin des différentes techniques de construction terre crue ainsi que de certains matériaux “conventionnels”. Les conductivités thermiques du pisé et de la bauge sont comprises entre 0.5 et 1.8 W/m.K. L’adobe est entre 0.3 et 1.7 W/m.K. Le mortier se situe entre 0.5 et 1.1 W/m.K. Le torchis est entre 0.18 et 1 W/m.K. La terre-paille se situe entre 0.1 et 0.45 W/m.K. Le béton cellulaire est compris entre 0.16 et 0.3 W/m. Le béton plein est compris entre 0.9 et 1.9 W/m.K. Les plaques de plâtre sont entre 0.25 et 0.3 W/m. Enfin la conductivité thermique de la terre cuite va de 0.3 à plus de 1 W/m.K.

      La terre crue est reconnue pour réguler l’humidité de l’air intérieur. En effet, grâce à l’argile qu’elle contient, la terre crue peut absorber jusqu’à 3% de son poids en vapeur d’eau (variation de 4% à 7%). Ainsi, la terre absorbe l’excès de vapeur d’eau contenue dans l’air intérieur, et la restitue si celui-ci s’assèche.

      Ces capacités d’absorption/désorption de la vapeur d’eau confèrent également les propriétés d’inertie thermique à la terre crue. En hiver, la vapeur d’eau absorbée se condense dans le mur en libérant de la chaleur. En été, l’évaporation de l’eau stockée dans le mur le rafraîchit en absorbant la chaleur.

      La terre crue offre donc une grande inertie thermique en régulant la chaleur grâce à ses propriétés hygroscopiques.

      Performances thermiques d’un mur en pisé

      Performances thermiques d’un mur en piséSource « Du grain de sable au mur en terre crue, caractéristiques physico-chimiques de la matière terre crue​ » Basile Cloquet​ © Bruxelles Environnement

      Graphique des températures en fonction de l’heure de la journée, à partir de 2h de l’après-midi à 2h de l’après-midi, 48 heures plus tard. La courbe de la température extérieure est à son maximum de 6-7°C à 14h. Après 14h la température extérieure diminue jusqu’à atteindre son minimum vers 8h entre –2 et 0°C. La température intérieure de la construction aux murs en pisé, suit les mêmes évolutions que la température extérieure mais elle ne varie qu’entre 5 et 3°C. La température mesurée du mur varie et atteint son maximum de 3 à 4°C vers 22h et son minimum de 2 à 3°C vers 14h. La température calculée du mur varie entre 3°C et 2°C avec des maximums en fin de journée et des minimums dans la matinée.

      Les propriétés thermiques et hygroscopiques de la terre crue permettent donc la conservation et stabilisation de la température intérieure même en cas de variations extrêmes.

      Masse volumique de la terre crue

      Les masses volumiques des techniques de construction terre crue se répartissent sur les mêmes plages de valeurs que des matériaux conventionnels.

      Comparaison des masses volumiques des différents types de terre crue et de matériaux conventionnels

      Comparaison des masses volumiques des différents types de terre crue et de matériaux conventionnels © Bruxelles Environnement

      Schéma classant les masses volumiques en kilogramme par mètre cube des différentes techniques de construction terre crue ainsi que de certains matériaux “conventionnels”. La masse volumique du pisé est comprise entre environ 1650 et 2250 kg/m³. La bauge est entre 1650 et 2100 kg/m³. L’adobe est entre 1200 et 2050 kg/m³. Le mortier se situe entre 1600 et 1900 kg/m³. Le torchis est entre 700 et 1850 kg/m³. La terre-paille est inférieure à 1250 kg/m³. Le béton cellulaire est compris entre 300 et 800 kg/m³. La terre cuite va de 1000 à 2400 kg/m³. Les plaques de plâtre sont entre 700 et 900 kg/m³. Enfin la masse volumique du béton plein est compris entre 2000 et 2700 kg/m³.

      Performance acoustique

      La terre crue présente de bonnes propriétés acoustiques.

      Plus un matériau est lourd, mieux il isole des bruits aériens. En acoustique, c’est ce qui est appelé la loi de masse. Or, tel que mis en avant précédemment, la masse volumique du pisé, de la bauge et de l’adobe sont proches de celle de la terre cuite et du béton. Leurs performances en termes d’isolation acoustique sont donc comparables.

      Apprenez en plus l’acoustique et la loi de masse dans le Dossier | Assurer le confort acoustique des bâtiments.

      Des finitions non lissées en terre crue sont des matériaux à porosité ouverte ce qui leur confère une bonne capacité d’absorption acoustique et donc d’intéressantes propriétés de correction acoustique.

      Mur intérieur en pisé

      Mur intérieur en pisé © S. Bronchart

      Photographie de détail d’un mur de pisé. Aspérités et pores visible

      Il a été mesuré que les panneaux de terre crue et les BTC ont de très bonnes performances dans les basses fréquences et n’ont pas de fréquence propre marquée.

      La construction terre crue se prête également à la conception d’une cloison séparative entre logements selon un système masse – ressort – masse.

      Découvrez le principe masse – ressort – masse au sein de la Solution | Double mur massif et acoustique.

      Résistance au feu et sécurité incendie

      Les matériaux en terre sont ininflammables (selon la DIN 4102). Un mur de 25 cm d’épaisseur à une résistance au feu de 4 heures d’après des tests CISRO. Des murs en bottes de paille recouverts d’un enduit en terre peuvent atteindre une résistance au feu de 2 heures (EN1365 - 1). En cas d’achat de matériaux à base de terre crue, la résistance au feu peut-être fournie par le producteur.

      Résistance aux catastrophes naturelles

      La construction en terre crue n’est pas adaptée à l’eau en grande quantité. En effet, en présence de flux incontrôlés, les cycles absorption-désorption de la terre sont perturbés. L’accumulation d’eau peut entraîner la modification de l’état physico-chimique de la matière (par exemple un retour à l’état plastique ou visqueux) et peut conduire à des effondrements de la structure.

      Il est donc peu pertinent de construire en terre crue sur des zones inondables.

      Conclusion

      La terre crue offre de bonnes performances mécaniques, thermiques, acoustiques avec une bonne résistance au feu, son inconvénient est sa sensibilité à l’eau.

      Quel entretien prévoir pour la construction terre crue ?

      La terre crue offre une grande facilité de réparation en termes d’outillage et de matériau (matériau identique à la construction).

      Selon le climat et la technique de construction terre cure utilisée il faut prévoir un contrôle, voir un entretien du matériau. Cela peut aller jusqu’à une fréquence annuelle. Une construction soumise à l’érosion peut se voir ajouter une couche additionnelle de terre crue lors d’entretiens. Les dommages mécaniques ou l'usure des murs peuvent être réparés avec le même matériau grâce à la plasticité de la terre (par ajout d’eau), et ne nécessite pas d’énergie supplémentaire.

      FORT V, Edegem. Premier bâtiment public (contemporain) en terre crue du Benelux. Brique d'argile comme structure portante et gardée comme finition intérieure

      FORT V, Edegem. Premier bâtiment public (contemporain) en terre crue du Benelux. Brique d'argile comme structure portante et gardée comme finition intérieure © Thomas Noceto

      Photographie en intérieur du bâtiment dont les murs sont en briques d’argiles apparentes. De grandes arches délimitent les différentes pièces

      Normes et réglementations

      Peu de normes existent actuellement pour la construction en terre crue. Notamment, en Belgique, les normes sont absentes ou en cours d’élaboration. Le tableau ci-dessous reprend les principales normes existantes par pays et par type application :

       

      Briques crues​

      Mortier de terre crue​

      Enduit de terre crue / ​Enduit d’argile​

      Allemagne​

      DIN 18945​ + DIN 18940

      DIN 18946​ ​ + DIN18940

      DIN 18947​

      France​

      XP P13-901​

      (2001 – révision profonde article v2020)​

      Absente

      Absente

      Belgique​

      Absente

      Absente

      En cours d’élaboration par Buildwise​

      + NIT 284

      Concernant les imperfections de type défauts et endommagements sur briques, l’acceptation est de l’ordre de 5-10% maximum en concertation entre les parties.

      Par ailleurs, plusieurs Atex’en sont disponibles et/ou rédaction (Atex 2588 et Cycle-terre).

      En Wallonie, les informations techniques pour l'enduit intérieur figurent dans le cahier des charges types CCTB​ “Cahier des Charges Type-Bâtiments : 54.17.1a Enduits à base d'argile”. Pour la Flandre, les documents sont élaborés par Buildwise.

      Quelles sont les limites de la terre crue ?

      Le développement de la construction terre crue est limité par les facteurs suivants :

      • compétitivité sur le marché, notamment par rapport au coût de la matière ;
      • coût d’exécution élevés pour centaines technique comme le pisé ou le torchis ;
      • peu de normes et de certificats ;
      • durée de construction pouvant être longue selon les techniques employées (dû au temps de séchage) ;
      • capacité structurelle limitée par rapport au béton ;
      • résistance à l’eau limitée.

      S’inspirer

      Projets

      Consultez Retours d’expériences d’un artisan-entrepreneur, la réalité sur chantier issu du Séminaire Bâtiment Durable | Terre crue et constructions contemporaines à Bruxelles (2021).

      Techniques de terre crue sur le marché Belge

      De nombreuses techniques de terre crue sont commercialisées et accessibles sur le marché Belge.

      La Région de Bruxelles Capitale compte une entreprise qui fabrique des BTC, enduits et du pisé à une échelle industrielle à partir de terres de déblai de chantiers.

      Terre crueBC Materials © Tim Van de Velde
      Terre crueBC Materials © Jasper Van der linden, Héarchitectuur, Het Leemniscaat

       

      Aller plus loin

      Autres publications de Bruxelles Environnement

      Bibliographie

      Sites web

      Mis à jour le 22/09/2023