© Ecobuild
Stratégie adoptée
Une véritable stratégie de gestion circulaire des matériaux a été déployée sur chantier, basée sur les priorités suivantes :
- Préserver l’existant : la préservation des éléments existants a été privilégiée dans le projet. Cela a permis de conserver un cachet d’ancienneté tout en garantissant un usage optimal des matériaux présents sur site. D’un point de vue environnemental, cette démarche a permis de limiter l’usage de nouveaux matériaux, la production de déchets ainsi que l’impact dû aux transports.
- Concevoir flexible : le projet a pris en compte les projections futures des occupants pour leur logement en offrant une grande adaptabilité de ces derniers afin de faciliter les éventuels travaux de réaménagement.
- Réparer & réemployer : certains éléments préservés ont été remis en état (portes en bois, faux-plafonds, moulures et charpentes). D’autres matériaux ont fait l’objet d’un réemploi in-situ (charpentes des annexes). Enfin, du réemploi ex-situ (flux entrant et sortant) a pu être mis en place. Ces divers éléments réparés et réemployés ont fait l’objet d’un inventaire préalable.
Préservation des bâtis intéressants
Le site avait la particularité d’être composé de trois bâtiments de typologies différentes : l’ancienne ambassade d’Espagne, un bloc industriel en intérieur d’îlot ainsi qu’une maison de maître bruxelloise. Ceux-ci présentent de belles qualités architecturales, notamment l'ambassade conçue par Michel Polak en 1926. Une démarche respectueuse de l’existant a dès lors été privilégiée, tout en déconstruisant les différentes annexes de moindre qualité ajoutées au fil des ans dans les cours intérieures.
Situation existante (à gauche) et projetée (à droite) et bâtiments déconstruits (en rouge)
Façade Ambassade existante
Conception flexible
La coopération étroite entre les concepteurs et les futurs habitants a permis de concevoir les espaces avec un maximum de flexibilité, en tenant compte notamment des manières de vivre et des projections futures des occupants pour leur logement. Ainsi, le projet bénéficie d’une grande adaptabilité afin de faciliter les éventuels travaux de réaménagement à l’avenir, réduisant les interventions futures sur les matériaux existants.
Cela se traduit par exemple par l’usage de cloisons légères entre et au sein des logements pour faciliter un réaménagement futur de l’espace intérieur sans avoir à détruire des murs massifs en brique et béton. De même, l’organisation spatiale contribue grandement à la flexibilité de l’habitat groupé grâce à :
- des pièces partagées par plusieurs habitants ;
- des appartements pouvant fonctionner avec une partie autonome : logements kangourou ou colocation :
- possibilité de s’isoler du logement principal ;
- accès privatif depuis les communs ;
- accès privatif à une salle de bain et toilette.
Chambres avec accès privatif, logement kangourou
De plus, le sens d’habitat groupé comprend nécessairement une grande diversité sociale et générationnelle pour les maîtres de l'ouvrage. Pour aller plus loin dans cette idée de mixité, il a donc été proposé d’intégrer au projet deux studios à mettre en location au profit d’une association et d’une Agence Immobilière Sociale (A.I.S).
Cette richesse sociale et la collaboration avec les futurs habitants ont permis la diversification des typologies de logements, limitant ainsi la nécessité de réaliser des transformations potentielles à l'avenir. Les enjeux sociaux ont ici un impact positif sur les enjeux environnementaux : la mixité d'usage permet d’augmenter la durée de vie des matériaux mis en œuvre et donc de diminuer la production de déchets ainsi que celle de matériaux neufs.
Chambre d’amis partagée
Répartition des logements en fonction du nombre de chambres
Studio | 2 Chambres | 3 Chambres | 4 Chambres | |
---|---|---|---|---|
Ambassade | 2 | 3 (dont 1 kangourou) | 2 (dont 1 kangourou) | 1 |
Fabrique | 1 | 2 | 2 | 1 |
Demolder | - | - | 1 kangourou | 1 |
Préservation et réparation de matériaux
Inventaire
Avant le début du chantier, un inventaire des matériaux et éléments présents in situ a été réalisé pour évaluer leur potentiel de réemploi et déterminer les opportunités présentes sur place. A partir de cet inventaire, une série d’enquêtes ont également été menées auprès des entreprises pour évaluer l’intérêt potentiel des éléments inventoriés. Cette première étape a permis :
- de faire des choix raisonnables lors de la conception ;
- de répartir les investissements dans les différents postes ;
- d’organiser le chantier efficacement.
Grâce à cet inventaire complet, il a été possible de déterminer ce qui devait être préservé, réutilisé in situ ou valorisé dans des filières de réemploi ex-situ. L’inventaire a également permis de faire la part entre les matériaux réellement valorisables en réemploi et ceux ayant moins de potentiel sous l’angle de la récupération.
Réemploi in-situ
Charpentes
Les charpentes étant en bon état de conservation, il a été décidé de les maintenir en y ajoutant une structure secondaire en bois pour les renforcer. Cette démarche a permis au projet de garder son cachet d’ancienneté tout en garantissant un usage optimal des matériaux présents sur site. En effet, d’un point de vue environnemental, il est souvent plus intéressant de conserver l’existant car cela limite la production de nouveaux matériaux et de déchets ainsi que l’impact dû aux transports.
Charpente existante renforcée
Par ailleurs les charpentes des annexes démontées ont pu être réutilisées in situ pour :
- la création de mezzanines en étant couplées à des poutres neuves en lamellé-collé. Celles-ci gagnent en esthétique grâce à un savant mélange ancien-neuf ;
- la création d’un abri temporaire pour stocker les matériaux de réemploi.
Abri temporaire en matériaux de réemploi
Structure mixte bois existant et lamellé-collé
Portes
L’état général des portes ainsi que leur grande qualité d’origine ont encouragé les concepteurs et maîtres d’ouvrage à les conserver dans le projet. Elles ont ainsi pu être récupérées en amont du chantier pour être décapées, poncées et traitées avant leur remise en œuvre. Ces opérations impliquent un travail de manutention important, mais en définitive elles ont permis la préservation d’éléments de qualité en bon état à un prix proche de celui de leurs homologues neufs.
Récupération des portes
Plafonds
Un certain nombre de plafonds avaient un intérêt à être préservés, notamment en raison de la présence de moulures en bon état, néanmoins une partie de ces plafonds était endommagée, en particulier au droit des anciennes cloisons démontées. Des travaux de réparation ont eu lieu afin de les conserver. En fin de compte, une économie de matière a été réalisée, combinée à la préservation du cachet historique des parachèvements existants.
Moulure des faux plafonds
Plafond à réparer
Radiateurs
La récupération des radiateurs en fonte existants a nécessité une intervention en amont du chantier pour garantir le bon déroulement des opérations de démontage et éviter d’éventuelles gênes entre l’entrepreneur et les acteurs chargés de leur récupération. Ils ont ainsi pu être pris en charge par une entreprise locale avant le début du chantier et reconditionnés pour leur remise en œuvre in situ durant la rénovation.
Récupération des radiateurs
Réemploi ex-situ
Flux sortant
Lors de la déconstruction, des poutres en acier, du bois de charpente excédentaire, des planchers etc. ont été démontés. Lorsqu’ils n’ont pas été réemployés sur site, ces différents éléments ont pu être récupérés par les démolisseurs présents et remis en œuvre sur d’autres chantiers. Ce réemploi est facilité par le partenariat avec des entrepreneurs ouverts aux opportunités offertes par une synergie entre leurs différents chantiers. Il est également possible d’écouler des stocks de matériaux via les revendeurs présents sur le marché du réemploi, et cette démarche nécessite d’avoir un bon inventaire pré-chantier, comme ça a été le cas ici, pour leur permettre d’identifier et récolter les matériaux intéressants dans leur secteur d’activités.
Eléments démontés et stockés sur site
Flux entrant
Via les filières du réemploi, différents éléments et matériaux ont été acquis comme des gardes corps, des cloisons, des carrelages ou encore la tôle de façade et l’isolant acoustique qui ont été trouvés grâce au réseau OPALIS. Faire appel à ces filières avant d’envisager d’acheter des matériaux neufs permet avant tout de :
- redonner une vie à des matériaux anciens / existants ;
- éviter le recours à des matériaux neufs (consommation en matières premières) ;
- constituer un atout au niveau esthétique.
Tôle de façade prévue issue d'une fin de stock
Isolant acoustique de réemploi (via réseau Opalis)
Enseignements
Le projet Ambassade est un excellent laboratoire d’économie circulaire qui a permis d’identifier un certain nombre de freins et d’opportunités, en particulier en matière de réemploi. Finalement, l’un des plus grands défis a été de réussir à lever les à priori des différentes parties prenantes du projet sur cette question, car nombre d’entre elles sont encore peu (in)formées sur les implications et l’organisation de ce type de chantier. Celui-ci a donc été très formateur, tant pour les entrepreneurs participants que pour les concepteurs et les futurs habitants. L’expérience s’est avérée extrêmement positive, et a démontré que les formations et expérimentations en économie circulaire sont nécessaires pour promouvoir et soutenir l’évolution des pratiques de construction/déconstruction actuelles. On retient également l’importance de développer les filières du réemploi qui permettent de favoriser une utilisation optimale des matériaux extraits des déconstructions en cours et à venir. En conclusion, il semble que la pratique et la confrontation continuelles aux chantiers pratiquant l’économie circulaire est non seulement nécessaire, mais également souhaitable pour favoriser l’évolution des mœurs et des pratiques des acteurs de la construction.
Aller plus loin
Site internet
- Description du projet par Twyce Architects
- Description du projet sur le site de Be Circular (Lauréat 2020)
- Description du projet sur le site de Be Exemplary (Lauréat 2018)
- Article d’Ecobuild : « Visite de chantier digitale : AMBASSADE »
Autres publications de Bruxelles Environnement
- Séminaires Bâtiment Durable : Projet Ambassade. Bâtiment durable et mobilité, 6 décembre 2019